Ambrucciata ou Fiadone?

D’aussi loin que je me rapelle, j’ai toujours appelé ce dessert un Fiadone, d’ailleurs si ma mémoire est bonne, ma mina l’appelait aussi comme ça. Le Fiadone, c’est en quelque sorte « LE dessert national corse », une sorte d’institution. Du brocciu, du citron, du sucre, des œufs, un peu d’alcool sur un fond de pâte... ou pas. Ou pas parce que voilà, cette fois avant de faire ma recette je me suis dit allons voir ce qui se fait ailleurs, il y a sûrement des variantes… Et là, le doute, mon Fiadone n’en était peut être pas un mais plutôt une Ambrucciata. J’avais toujours pensé que les 2 mots désignaient le même dessert et que la présence ou pas de pâte dépendait de là où il était fait.

Et bien, j’ai découvert, en plus de différentes versions de la recette, qu’il y avait 2 écoles. Pour la première, le Fiadone et l’Ambrucciata sont un seul et même dessert nommé différement selon que l’on se trouve au nord ou au sud d’Ajaccio (Fiadone au nord, Ambrucciata au sud). Cargèse (mon village) se trouvant au nord d’Ajaccio ça expliquerait pourquoi je l’appelle ainsi. Pour la deuxième, ce sont deux desserts distincts ayant une même base seulement le Fiadone serait sans pâte et l’Ambrucciata avec (plus comme une tarte).
De toute façon, avec ou sans pâte c’est vraiment délicieux alors finalement, je n’ai rien changé à ma recette, seulement son nom. Mais je compte quand même tenter très bientôt une version sans la pâte parce que c’est tout aussi bon et un peu plus léger et pour l'été c'est plutôt pas mal.

J’ai aussi lu je ne sais plus où, que le Fiadone serait le cheesecake corse… Mouais, pas sûre. Bon, ça donne peut être une idée mais honnêtement et sans parti pris, c’est quand même tout autre chose. Enfin moi je ne l’accompagnerais pas de coulis, je l’aime comme ça mon Ambrucciata-Fiadone sans rien dessus, peut être juste un petit peu tiède comme réchauffé par le soleil.

Ambrucciata (mon Fiadone)

La Pâte sablée

(on peut aussi utiliser un pâte déjà prête ou de la pâte feuilletée)

• 125 g de farine
• 62 g de beurrre doux
• 45 g de sucre
• 1 jaune d’œuf
• 1 pincée de sel
• 1 ou 2 c. à soupe d’eau

La garniture

• 500 g de brocciu frais ou de ricotta fraîche
• 2 ou 3 œufs entiers selon la grosseur
• 100 g de sucre
• 1 citron non traité
• 1 c. à café d’eau de vie, de liqueur de myrthe ou de rhum (facultatif)

Péparer la pâte. Dans un grand bol, mêler le beurre et la farine du bout des doigts jusqu’à obtention d’un mélange sableux puis ajouter le jaune d’œufs, le sel, le sucre et l’eau pour obtenir une pâte homogène. Former une boule et réserver au réfrigérateur 1 h.
Préchauffer le four à 210°C.
Égoutter le Brocciu et l’écraser à l’aide d’une fourchette. Ajouter les œufs, le sucre, l’alcool et les zestes du citron prélevé à l’aide d’un zesteur (on peut aussi utiliser une petite râpe) et bien mélanger tous les ingrédients. Foncer un moule à tarte avec la pâte, y verser la préparation. Cuire environ 30 min. Prolonger la cuisson en baissant un peut la température du four si besoin. Le dessus doit être doré.

Petit rappel : le brocciu est un fromage frais corse fait à base de lait de brebis et/ou de chèvre. Il est utilisé dans de nombreuses recettes sucrées ou salées.

 

images : n.v. quelques-choses

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Les Canistrelli

Ce sont probablement les biscuits corses les plus connus et certainement les plus mangés sur l'île. Pas besoin d'occasion spéciale pour ça, les canistrelli c'est tout simplement bon tout le temps. Au moyen âge c'étaient les biscuits incontournables pour les bergers et ils ont toujours autant de succès aujourd'hui. Bien sûr ils ont un peu évolué puisqu'on en trouve au citron, aux pépites de chocolat (les ados adorent) aux raisins... mais moi je les préfère toujours nature ou à l'anis. 

J'aime leur coté brut et rustique, leur goût subtil d'huile d'olive et de vin sans parler de l'anis. C'est fou, moi qui n'aimais pas tellement l'anis enfant et qui déteste presque toujours autant le Pastis (pour une native de Marseille c'est étrange, je sais) je me rends compte que bizarrement il y en a souvent dans de mes recettes préférées. Peut être justement parce que c'est une saveur étroitement liée à mon histoire. Et puis, est ce que vous avez déjà coupé une tige d'anis et aspiré le jus qu'il y a dedans? C'est vraiment délicieux. Pour moi, l'anis apporte toujours ce petit goût étonnant et rafraîchissant.

Donc mes canistrelli sont à l'anis parce que c'est comme ça que je les préfère, version classique.

Canistrelli à l'anis

• 500 g de farine
• 100 g de sucre semoule + pour saupoudrer
• 1 pincée de sel
• 1 sachet de levure chimique (= 1 c. à c de poudre à pâte)
• 3 c. à soupe de grains d'anis
• 110 ml d'huile d'olive
• 150 ml de vin blanc (corse ou pas, mais du bon vin)

Préchauffer le four à 180°C.
Mélanger tous les ingrédients du bout des doigts sans pétrir. Sur un plan fariné, étaler la pâte avec le plat de la main sur une épaisseur de 2 cm environ (c'est assez épais). Saupoudrer de sucre. Découper des formes irrégulières dans la pâte et les déposer sur une plaque. Cuire environ 40 min. à 180°C.

 

images : n.v. quelques-choses

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Les Fenughjetti

Fenughjetti n'est pas une insulte ni un archipel exotique, c'est juste le nom d'une de mes spécialités corses préférées. Des biscuits en forme de 8 typiques du sud de la Corse, secs, croquants et au fort goût d'anis. Fenughjettu (à prononcer fénoudjetou, je sais c'est pas facile) veut dire anis en Corse et il vaut mieux vraiment aimer l'anis et ne pas avoir peur pour ses dents pour bien apprécier ces biscuits. J'avoue que leur goût et leur coté sec sans fioritures peut un peu dérouter, d'ailleurs enfant je n'aimais pas tellement ça, mais les goûts changent et maintenant je pourrais me nourrir presque exclusivement de fenughjetti quand je vais en Corse. Ok, j'exagère mais à peine.
Bizarrement je n'avais jamais essayé d'en faire mais voilà cette année pas de vacances en Corse et même si l'Espagne coté saveurs c'était vraiment vraiment super (ah! le pan con tomate, la charcuterie, les tortas de aceite, la tortilla et tous ces autres trucs trop bons!!!), il y a quelques jours je me suis sentie en manque de fenughjetti et pas question d'attendre un an avant d'en manger. Donc après quelques recherches je me suis lancée et voilà. 

Pour les ingrédients c'est simple, de la farine, de l'eau, de la levure, une pointe de sel et des grains d'anis bien sûr. Pour le façonnage par contre ça demande un petit peu d'entrainement pour arriver à faire des 8 un peu réguliers et pas trop épais mais je me sens très motivée pour affiner la technique. D'ailleurs je me suis développée un petit truc que j'ai noté plus bas. Quant à la cuisson c'est probablement le secret de ce croquant, il faut ébouillanter les biscuits avant de les faire cuire au four mais encore là rien de compliqué.
Les fenughjetti c'est super au petit déjeuner trempé dans le café ou le chocolat, avec un bout de fromage, du jambon ou juste comme ça pour combler un petit creux.

 

Fenughjetti

• 500 g de farine
• 10 g de sel fin
• 250 ml d'eau tiède + 25 ml
• 20 gr de levure de boulanger (fraîche)
• 30 g de grains d'anis

La recette donne une bonne vingtaine de biscuits mais ça va dépendre de la taille des 8.

Dissoudre la levure dans 250 ml d'eau. Mélanger la farine, le sel et les grains d'anis dans un bol puis ajouter l'eau avec la levure et mélanger (on peut s'aider d'une fourchette au début). Si la pâte semble trop sèche ajouter progressivement les 25 ml d'eau restant. Pétrir quelques minutes. La pâte doit être souple mais assez dense et non collante.
Former des boudins de 1 cm de diamètre environ pour façonner des 8 d'environ 15cm de long et 6 cm de large. Pendant ce temps, faire bouillir une grande quantité d'eau et préchauffer le four à 220°C. Plonger 3-4 fenughjetti à la fois dans l'eau, les sortir à l'aide d'une écumoire lorsqu'ils remontent à la surface, bien les égoutter et les déposer sur une plaque a cuisson. Lustrer les fenughjetti avec l'eau froide et les mettre à cuire au environ 30 min, vérifier la cuisson, ils doivent être légèrement dorés. Laisser refroidir avant de croquer.

Il vaut mieux pocher les biscuits par petite quantité et juste avant de les mettre au four.
Ils se conservent très bien et longtemps mais au sec.

 

Petit truc pour façonner les 8

Quand la pâte est prête, l'aplatir avec la paume de la main pour former un rectangle assez long d'environ 1 cm d'épaisseur. Découper une bande de 1cm de largeur, la rouler pour faire un boudin puis façonner le 8. Ne pas oublier de mouiller légèrement la pâte là ou elle doit coller et de garder le reste de pâte sous un torchon propre le temps de façonner le 8 pour qu'elle ne sèche pas.

 

images : n.v. quelques-choses

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le cacavellu

Ah Pâques, les petits lapins, le chocolat, les oeufs, le chocolat (oui j'adore le chocolat) mais aussi les brioches étranges décorées d'oeufs... 

J'ai longtemps cru que ce gâteau-brioche de Pâques était typique de mon village (Cargèse) et lié à ses origines grecques mais le Cacavellu appellé aussi Campanile, est un gâteau traditionnel de Pâques que l'on retrouve partout en Corse.
Enfin, depuis le temps que je voulais en faire un… Voilà ça y est, c'est fait et je suis super contente du résultat. Ok, il est un peu grillé et il n'a pas une forme parfaite mais le goût est exactement comme je m'y attendais et c'est sûr, l'an prochain j'en refais un.

Bien sûr, il n'y a pas qu'en Corse que l'on décore les brioches ou les gâteaux de Pâques avec des oeufs, on retrouve cette tradition dans de nombreux endroits. D'ailleurs je compte bien tenter un de ces jours la super recette du tcheurek de Christelle.

quelqueschoses_cacavellu3.jpg

le cacavellu (brioche de pâques corse)

• 500 g de farine
• 125 g de sucre semoule
• 125 g de beurre fondu
• 2 oeufs entier + 1 jaune pour dorer
• 20 g  de levure de boulanger fraîche
• 2 pincées de sel
• 2 c à s. bien pleines de grains d'anis
• 1 c à s. de lait tiède
• 100 ml d'eau tiède
• 1 c à s. de pastis

+ des oeufs pour décorer colorés ou pas

Délayer la levure dans le lait tiède. Battre les 2 oeufs en omelette puis mettre tous les ingrédients (sans ordre particulier) dans un grand bol et mélanger. Pétrir pendant 10 minutes. (on peut utiliser un robot). Ajouter de l'eau au besoin, la pâte doit être souple.
Former une boule avec la pâte, la couvrir avec un torchon propre et la laisser reposer 1h à température ambiante.
Pétrir la pâte de nouveau pendant 10 minutes puis la laisser reposer au réfrigérateur pendant 1h.
Préchauffer le four à 200°C. Former une couronne avec la pâte en gardant une petite quantité pour la décoration. Mettre les oeufs sur le tour de la couronne et les retenir avec des croisillons de pâte. Dorer à l'oeuf. Et cuire environ 35 min.

Il vaut mieux mouiller les oeufs avant de les placer sur la couronne pour qu'ils n'éclatent pas dans le four, sinon on peut mettre des oeufs déjà cuits.
Si vous n'aimez vraiment pas l'anis, il est toujours possible de parfumer le cacavellu avec de l'eau de fleur d'oranger (supprimer le pastis) ou des zestes de citron (supprimer le pastis et ajouter un peu d'eau si besoin).
On peut aussi réaliser des couronnes plus petites ou individuelles (dans ce cas on met l'oeuf au centre)

 

photos : n.v. quelques-choses

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Les bastelle de Minnà

Minnà en Corse, ça veut dire grand-mère. Je ne parle pas le Corse mais ce mot là, je l'ai toujours connu puisque ma grand-mère paternelle on l'appelait mémé Minnà, une sorte de double mémé et une super cuisinière.
Chaque été, comme un cadeau elle nous préparait au moins une fois des bastelle*. Il y avait aussi la journée couscous - je ne sais d'ailleurs pas si elle avait rapporté sa recette de Tunisie mais je n'en ai jamais mangé de pareil avec ses courgettes et ses aubergines frites - mais bon, les bastelle, c'était le Saint Graal.
On peut trouver des bastelle à peu près partout en Corse, ce sont des chaussons farcis le plus souvent aux blettes, aux oignons ou à la courge, mais les meilleurs, pour moi, sont aux blettes et au brocciu** (prononcer bròtchiou et pas grountch ou brotch). La plupart du temps on utilise de la pâte à pain et la cuisson se fait au four mais ma minnà, elle avait un secret qui rendait ses bastelle uniques, légères et irrésistibles, sa pâte et la cuisson à la poêle. Je regrette de ne jamais avoir vraiment pris le temps de les faire avec elle, à l'époque je la regardais faire avidement et j'attendais avec impatience le moment du repas.

J'ai attendu longtemps avant de faire cette recette, d'abord parce que je ne pouvais pas trouver de brocciu ici (je n'osais pas utiliser autre chose), aussi je savais que ça prenait pas mal de temps à faire, mais surtout parce que les souvenirs étant souvent liés aux odeurs et au goût des choses, j'avais peur que mes bastelle ne soient pas à la hauteur. Et puis un jour ça me manquait trop alors j'ai essayé avec de la ricotta parce que du brocciu à Montréal ça ne risquait pas d'arriver. Et là, j'ai retrouvé la même odeur que celle de la cuisine de ma grand-mère les jours de bastelle et presque le même goût. Un vrai moment de bonheur! J'en ai refait une autre fois avec du brocciu salé que j'avais rapporté dans ma valise, c'était mieux. Mais c'est quand je les ai faites en Corse avec tout ce qu'il faut et que j'ai eu droit à un "c'est pas exactement pareil, mais elles sont pas mal" de la part de mon père qui en  avait quand même mangé quelques unes que j'ai su quelles étaient réussies.

Voilà donc la fameuse recette des bastelles de ma minnà. Une recette précieuse, un vrai secret de famille. J'ai essayé de la rendre plus précise que les quelques instructions qu'elle m'avait donné un jour au téléphone et que j'avais gribouillé sur un bout de papier et je l'ai complété par mes souvenirs mais ça reste encore approximatif. C'est peut être un peu ça aussi le secret des recettes de famille...

Les bastelle de minnà

La pâte

• 500 g de farine
• 1 oeuf
• 100 ml d'huile d'olive
• une bonne pincée de sel
• de l'eau tiède environ 200 ml

Mélanger tous les ingrédients et ajouter de l'eau jusqu'à l'obtention d'une pâte lisse mais "dure". Former un boule et la laisser reposer 1 heure recouverte d'un torchon sur un plan fariné.

La farce

• 4 bottes de blettes (bettes à carde)
• 300 g de brocciu ou de ricotta fraîche
• huile d'olive
• sel et poivre
+ huile neutre pour la cuisson

Enlever les cotes des blettes (la partie blanche) et faire cuire le vert dans une grande quantité d'eau salée. Égoutter, laisser refroidir puis presser les feuilles pour enlever l'eau au maximum. Hacher grossièrement les blettes et les assaisonner avec du sel, du poivre et de l'huile d'olive. Ne pas hésiter à goûter, le mélange doit être bien assaisonné. Ajouter le brocciu et mélanger.

Pour chaque bastella*, prendre une boule de pâte de 4 cm de diamètre (la valeur d'un oeuf de pigeon selon les instructions originales) et l'étaler très finement. Déposer une cuillère à soupe de farce sur une moitié et refermer en chausson. Répéter jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de pâte.
Faire chauffer de l'huile neutre dans une poêle et cuire quelques minutes de chaque côté. La pâte va cloquer et dorer. Déposer sur du papier absorbant et manger chaud ou tiède.

Les proportions donnent à peu près une vingtaine de bastelle mais si il reste de la farce, on peut toujours la mettre dans une omelette.
On peut aussi les faire réchauffer au four mais attention à ne pas les faire sécher.


* En corse, comme en italien la plupart des noms féminins finissent par "e" au pluriel : une bastella - des bastelle.
** Le brocciu est un fromage de brebis typiquement corse que l'on peut trouver frais de novembre à juin. Il est utilisé dans beaucoup de recettes corse mais comme il n'est pas très facile dans trouver en dehors de l'île, on peut le remplacer par de la ricotta fraîche, c'est pas tout à fait pareil mais ça marche quand même.

photos : n.v. quelques-choses (merci Emma pour le sourire)

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